Publications annuelles de l'association - 2011/2022

Plein Feu sur l'église Saint-Pierre - Année 2016 - N° 6

Au sommaire

Page 1 (en jpg) : Editorial de la Secrétaire, Réalisations municipales et de l’association en 2015. Manifestations 2015.

Page 2 (en jpg) : Projets 2016 – Supplément : L’organisation du paysage urbain médiéval, l’exemple de La Sauve-Majeure. Extrait, publié avec son aimable autorisation, d’une étude de Philippe Araguas (Revue archéologique de Bordeaux 2013)

Edito

L’année 2015 a été marquée par des actes de violence qui nous ont frappés en plein cœur. On a alors ressenti l’attachement que nous avions à renforcer notre vivre-ensemble : c’est ce que la vie associative peut nous apporter . Il y a aussi un regain de conscience des valeurs que nos anciens nous ont léguées. En flânant autour ou à l’intérieur de l’église Saint-Pierre, quelles que soient nos convictions, on a un sentiment de profond respect pour le travail architectural que nous ont laissé les bâtisseurs du moyen âge et nous nous sentons investis de la mission de faire traverser le temps à ce magnifique bâtiment. N’oublions pas que des sites comme Palmyre ont été anéantis à jamais, et cela est insupportable !

Tous vos dons, votre participation aux concerts, vos soutiens sous toutes leurs formes sont un engagement à ne pas laisser tomber en ruine un patrimoine que nous devons transmettre aux générations futures pour qu’elles sachent d’où elles viennent dans le plus grand respect des autres.

 

Isabelle LE MAY, secrétaire ARESP.

Notre Dossier

L’organisation du paysage urbain médiéval, l’exemple de la Sauve-Majeure

Extrait de l’étude réalisée par Philippe ARAGUAS, Docteur et professeur d’histoire de l’art et d’archéologie médiévale à l’Université Michel de Montaigne de Bordeaux et membre de l’école des Hautes études Casa de Velasquez. Cette étude fut publiée dans la revue archéologique de Bordeaux en 2013

[…]« Le village de la Sauve-Majeure se présente de nos jours du point de vue du tracé urbain, sous un aspect assez proche de ce qu’il était à la fin du XIIe ou au début du XIVe siècle : l’implantation de la bastide de Créon a en effet mis un terme à la croissance de cette petite agglomération qui connut un essor considérable dans le siècle qui suivit la fondation de l’Abbaye par Gérard de Corbie.
Dès le premier quart du XIe, existe deux “bourgs” distincts : celui de Saint Pierre, sur la colline qui fait face à l’ouest à l’église abbatiale et celui de la Croix, appelé plus tard bourg Saint-Jean, qui se développe au nord et à l’ouest de l’abbaye. Le bourg Saint-Pierre est alors considéré comme le bourg “ancien”, celui de Saint-Jean comme le bourg nouveau.[…]

La préexistence de l’église Saint-Pierre à la fondation de l’abbaye n’est pas certaine et se trouve même en contradiction avec la tradition mal assurée qui en attribue la fondation à saint Gérard, mais la mention de bourg “vieux” qui lui est attachée, la dédicace à Saint-Pierre, l’emploi de petits moellons cubiques dans le mur sud sont autant d’indices qui permettent de supposer qu’il y avait là un lieu de culte ancien, moins organiquement lié à l’abbaye que le bourg Saint-Jean qui constitue le véritable “bourg abbatial” blotti au pied de l’église et qui, à partir de celle-ci et de la place du marché qui lui sert de parvis se développa vers l’est.[…]

Dans le premier quart du XIIIe siècle, on reconstruisit l’ancienne église Saint-Pierre selon un parti architectural simple et ambitieux.[…]
L’originalité de l’église Saint-Pierre réside dans le fait que sa façade se confond avec le chevet selon un dispositif étrange dans un pays où le décor extérieur des édifices se concentre généralement sur les élévations dans lesquelles sont ouvertes les portes d’entrée.

La Sauve-Majeure avec l'abbaye et les 2 églises

On peut certes considérer que les chevets sont également l’objet de développements décoratifs, mais il est incontestable qu’ici le souci de mettre en valeur l’élévation orientale de l’église est lié à son positionnement dans l’espace et tout particulièrement par rapport à l’abbaye qui lui fait face.

 

L’examen de la topographie du village met en évidence un alignement remarquable qui détermine un axe visuel se confondant approximativement avec celui de la grand-rue qui unit l’église Saint-Pierre à l’église abbatiale Notre-Dame. Les deux édifices se font face et échangent le regard de leurs façades : façade occidentale pour l’église abbatiale, façade orientale pour l’église Saint-Pierre.
L’évidence de ce phénomène est sensible à l’examen du plan cadastral ancien mais il est encore davantage si l’on se place au pied de l’une ou l’autre des deux façades qui sont ainsi confrontées dans une vision horizontale qui passe au dessus du talweg séparant les deux petites collines sur lesquelles sont construites les deux églises.

Cette observation nous invite à nous pencher sur quelques particularités du décor de l’église Saint-Pierre qui mettent en évidence un lien étroit avec l’église abbatiale. La façade occidentale de cette dernière, qui dut être mise en place dans la deuxième décennie du XIIe, ne nous est plus connue que par la vue cavalière de l’abbaye dessinée en 1679 qui présente une vaste composition à décor d’arcatures caractéristiques des grandes églises romanes de l’Ouest français.[…]

 

Une dernière observation me paraît devoir encore être formulée pour renforcer l’idée selon laquelle cette curieuse façade orientale est toute entière conçue comme un hommage à l’église abbatiale : il s’agit de l’incontestable saveur archaïsante de la corniche qui limite le décor du large bandeau décoratif inscrivant le triplet et les quatre niches garnies de sculptures.

Si l’on date des années 1220-1230 le décor sculpté de la façade, on ne peut qu’être surpris de le voir associé à des modillons en tout point comparables à ceux qui, un siècle plus tôt, furent sculptés pour orner le couronnement des absidioles de l’église abbatiale. Certes, on ne peut, de cette observation, tirer des conclusions bien assurées sur les intentions des concepteurs du décor, mais il est incontestable que tous ces indices convergent pour faire de la façade orientale de l’église Saint-Pierre un reflet de Notre-Dame de la Sauve-Majeure et que cet hommage s’inscrit subtilement dans le programme iconographique mais aussi dans l’espace, donnant lieu à une véritable création urbanistique romane. »

Merci à Philippe ARAGUAS de nous avoir autorisés à publier des extraits de cette étude.